Dans sa lettre aux maires : Emmanuel Macron souffle sur les braises.

Le 15 mars dernier, Emmanuel Macron n’avait pas répondu positivement à l’invitation de Territoires Unis (AMF / ADF / RdF) qui auditionnait les prétendants à la fonction présidentielle.

 

En guise de projet, nous découvrons dans la presse une lettre supposément envoyée par le candidat aux maires. Son contenu traduit à la fois un bilan déconnecté des réalités vécues et une volonté de poursuivre la mise sous tutelle des collectivités

 

 

Suppression de la CVAE : une nouvelle attaque contre l’autonomie fiscale

 

La CVAE est un des derniers impôts économiques qui permet de faire contribuer les entreprises aux infrastructures et aux services publics locaux dont elles et leurs salariés bénéficient sur le territoire de la commune.

 

Cette nouvelle suppression d’un impôt perçu par les communes accélère la recentralisation des finances locales au sommet de l’Etat. La compensation promise par des dotations, n’aura qu’un résultat : réduire toujours et encore l’autonomie des collectivités, en les laissant à la merci du montant des subsides qui leur sera accordé chaque année.

 

 

Organisation institutionnelle : des idées vagues sans la moindre concertation

 

Le retour du « conseiller territorial » nous renvoie aux années Sarkozy, réhabilitant le credo selon lequel c’est en supprimant des élus locaux qu’on répondrait mieux aux besoins de proximité des citoyens. C’est une mesure comptable et démagogique, à rebours des enseignements des dernières crises. Bien que ses contours n’aient pas été précisés, cette mesure ne peut que marquer l’affaiblissement du département et de la région, deux niveaux de collectivités qui sont des partenaires essentiels pour les communes.

 

La différenciation proposée par Emmanuel Macron doit également appeler toute notre vigilance dans le contexte de recentralisation que nous connaissons. Alors que l’AMF a toujours plaidé pour de la souplesse dans le respect des solidarités, le « à la carte » proposé par le candidat pourrait vite se transformer en fait du prince. Un tel retour des privilèges, ces statuts privés disparus avec la fin de l’Ancien Régime, pose le risque d’organiser la concurrence entre les territoires.

 

Enfin, s’agissant de la réouverture des sous-préfectures, la question n’est pas d’en connaître le nombre, mais de savoir à quoi elles serviront. Nous avons besoin de services à la population et d’ingénierie territoriale, pas de devantures sans arrière-boutique.

 

 

10 milliards de coupes dans les budgets des collectivités : une annonce absente de la lettre

 

Il est un point majeur qui n’est pas abordé dans cette lettre, et dont l’annonce à de nombreuses reprises n’est pourtant pas passée inaperçue : sur les 20 milliards d’économies prévues dans les budgets publics, Emmanuel Macron estime que 50% devraient être supportées par les collectivités territoriales, alors qu’elles ne représentent que 19 % des dépenses publiques et 9 % de la dette du pays, et que leurs dépenses sont parmi les plus basses d’Europe (19% en 2020 contre 31% en moyenne en Europe).

 

Pourtant, les collectivités territoriales ont déjà contribué pour plus de 46 milliards d’€ depuis 2014. Et contrairement à ce qu’il affirme, le Président n’a pas mis fin à la baisse des dotations, puisque le gel de l’enveloppe de la DGF coûte chaque année 1 milliard d’euros aux collectivités.

 

Cette contrainte est assurément irréaliste dans le contexte inflationniste actuel. C’est à croire que l’actuel Président n’est plus en prise avec les réalités du terrain. En effet, les 4,5 % d’inflation en 2022 vont augmenter le coût de fonctionnement des collectivités d’au moins 7 milliards d’€. Par ailleurs, le dégel du point d’indice constituera une charge supplémentaire de 1,2 milliards d’€. Ce à quoi il faut ajouter les conséquences liées à la guerre en Ukraine : difficultés d’approvisionnement en matières premières, augmentation des prix de l’énergie ou encore augmentation des taux d’intérêts.

 

Mais le plus grave est encore que cette mesure est inefficace, puisque les ponctions réalisées par le passé n’ont jamais servi au redressement des comptes publics. En point de PIB, le déficit de l’Etat reste le même en 2019 avant la crise Covid, qu’en 2014 : -3,5%.

 

Assurément dans sa lettre aux maires, Emmanuel Macron souffle sur les braises.

 

André LAIGNEL

Maire d'Issoudun