"Prendre en compte l'espace rural"

André Laignel, maire d’Issoudun (Indre), fait le point sur ses différents mandats et livre sa vision de la gouvernance à différents niveaux dans un entretien accordé à Bertrand Philipe. Article publié dans le Berry Républicain en date du 12 janvier 2015.

André Laignel (PS), maire d’Issoudun depuis 1977, est vice-président délégué de l’Association des Maires de France (AMF), impliqué dans l’Association des communes rurales, président de la communauté de communes (qui intègre trois communes du Cher).

 

Vous coprésidez l‘AMF. Quelle est cette association et quel est votre rôle ?

L’AMF a pour particularité de rassembler les maires et les présidents de communautés de communes. C’est une chance mais aussi une difficulté. Car elle rassemble des hommes et des femmes d’horizons très différents. Elle ne peut être forte que si elle est unie. C’est pourquoi, lors du dernier congrès, nous avons proposé un ticket avec François Baroin (sénateur-maire UMP de Troyes, NDLR) et moi-même pour diriger cette association. Dans une parité politique totale. La tête, c’est Baroin et moi.

 

La parité politique est-elle la règle ?

le bureau exécutif, c’est 4 élus de gauche, 4 de droite. Le bureau, c’est 36 membres, 18 de gauche, 18 de droite ; et gauche s’entend par PS, PCF, Verts et radicaux de gauche. C’est l’ensemble des familles politiques républicaines qui sont en charge.

Nous avons commencé ça il y a trois ans, avec Jacques Pélissard (prédécesseur de François Baroin à la présidence de l’AMF, NDLR). Nous avons réussi à faire vivre cette communauté. Ça doit être le dernier lieu constitutionnel où les responsables de gauche et de droite acceptent d’agir ensemble pour l’intérêt général.

Cela demande du dialogue et de la clarté. La clarté, c’est que chacun existe par lui-même. On ne peut pas construire dans l’abdication de l’autre. Donc il faut un consensus. Soit il est trouvé et il y a une position de l’association, soit il n’est pas trouvé et l’AMF ne peut se prononcer. C’est un bonheur quand on y parvient, c’est une difficulté quand on n’y parvient pas.

 

Par exemple, quel dossier pourriez-vous citer ?

Sur la réforme des rythmes scolaires, l’UMP était contre La gauche était favorable parce que c’était l’intérêt de l’enfant. Nous n’avions pas à nous prononcer sur la réforme, car elle était déjà décidée. Mais nous étions unis pour réclamer les moyens afin que cette réforme soit mise en œuvre. Je précise que cette réforme a été mise en place à Issoudun dès le premier jour, dès la première année. Mais l’Etat transfère des charges, donc il doit donner des moyens. La base de l’accord, c’est le principe de la République, la liberté d’administration, la forte unité dans les relations humaines, la laïcité, sans lesquelles il ne saurait y avoir d‘accord.

 

Mais l’AMF a-t-elle une influence ?

L’AMF est l’interlocuteur du gouvernement. Il y a eu des séances musclées quand Nicolas Sarkozy était à l’Élysée. Avec François Hollande, c’est plus fraternel de ma part, mais c’est assez ferme sur le fond. Nous ne sommes qu’une association, mais nous pouvons proposer des amendements et des propositions. D’autant que certains maires sont aussi parlementaires. Donc personne ne peut ignorer ce que dit l’AMF. C’est un pouvoir d’influence. Ça n’existe que si nous sommes unis. Sinon, on retombe dans le jeu de la chambre parlementaire entre la gauche et la droite.

Vous êtes également attaché à l’Association des communes rurales, dont vous êtes membre.

Il ne faut pas opposer les communautés urbaines et les communes rurales. Ce qui est important, c’est la spécificité de la ruralité. J’appartiens à la ruralité. Il y a des espaces ruraux ; l’Indre en est un, le Cher en est un aussi, même si Bourges, Châteauroux sont des villes. C’est pourquoi la politique de la ville est importante.

Mais il faut prendre en compte la spécificité de l’espace rural, la reconnaissance de l’urbain ne doit pas effacer l’espace rural qui est historiquement la mère des autres. L’AMF fait la synthèse de ces positions.

Le premier niveau, c’est la recomposition de l’espace public. Trop a été supprimé ou affaibli, d’abord dans les espaces ruraux, même si les banlieues ont également souffert. Cette lutte de reconquête transcende tous les espaces. Il faut plus d’égalité financière. Les dotations sont plus généreuses pour les grandes villes. Mais il faut tenir compte des décentralisations. Et quand on parle d’équité, il faut prendre en compte les ressources et les charges. Issoudun, par exemple, a pratiquement tous les équipements ; il faut en tenir compte. Donc il faut plus d’équité.

 

C’est une notion d’aménagement du territoire.

Il faut remettre en œuvre l’aménagement du territoire. L’aménagement du territoire, c’est la présence, d’abord, des services publics. C’est ça qui conduit la révision générale des politiques publiques à faire la régression générale des services publics. Il y a toujours eu deux écoles : la libérale, qui veut qu’on aide les forts, et celle qui dit qu’on ne doit pas abandonner des pans de territoires, même si c’est moins porteur à court terme. Car la France a la chance d’avoir de grands territoires, il ne faut pas que ça devienne un désert, il faut que ce soit un lieu d’expansion. Pour développer son pays, c‘est une grave erreur de se situer dans le court terme.

 

Et votre communauté de communes d’Issoudun ?

Elle a été la deuxième de la Région Centre, nous étions pionniers ; c’est 22000 habitants et 12 communes, dont 3 du Cher. Nous avons beaucoup de compétences, ce qui fait que la charge est à 60 % pour la communauté et 40 % sur les communes, et ça fait vingt ans que ça fonctionne. Maintenant, il faut stabiliser le territoire et je préfère le faire bien fonctionner qu’être à la tête d’une intercommunalité qui mangerait ses voisines. J’ai toujours dit que la porte est ouverte, à l’entrée comme à la sortie. Nous avons une taille significative, des compétences lourdes, qu’il faut s’atteler à mieux exercer, et chercher, si possible, l’innovation.

 

Quels sont vos projets ?

Dans le domaine de l’environnement par exemple, je souhaite être à un seuil d‘énergies renouvelables positives dans l’année qui vient. Je travaille sur un projet de chaleur biomasse.

Dans le domaine du numérique et de la communication, nous sommes pilote avec une télé locale, Bip TV, 100 % publique. Nous construisons un projet numérique pour la ville et son territoire. Il s’agit d’imaginer de nouveaux programmes (services à la population, alertes aux crues, alertes de toutes natures). Bip TV va faire des journaux spécifiques, une webtélé pour le musée, pour les activités culturelles. Nous alors démultiplier les webtélés. Et dans le domaine de l’éducation, nous avons le projet d’une école de la deuxième chance et du développement universitaire, en rappelant que nous sommes la plus petite ville universitaire de France. C’est le choix du pari de l’intelligence, donc aussi de la culture.