Réforme territoriale : réformons la réforme !

Les grandes lignes de la réforme territoriale sont aujourd’hui connues, trois mots les résument : extension, dévitalisation, évaporation.

Extension des compétences des régions et des intercommunalités. La course à l’agrandissement doit plus à l’esprit de système qu’à celui de finesse. Ainsi, si certaines fusions relèvent du bon sens, d’autres confinent à l’absurde.

Ni le nombre d’habitants ni la superficie d’un territoire ne font la puissance d’une région.

De plus, éloigner les élus des citoyens, alors que ceux-ci reprochent leur distance, est un contresens qui nuira gravement à la démocratie. La décentralisation, c’est rapprocher le pouvoir du citoyen ; ici, c’est l’inverse qu’on nous propose.

Dévitalisation, selon l’expression d’André Vallini, tel serait le sort réservé aux départements. Si la question de la pertinence du département peut se poser en milieu urbain, sa nécessité est avérée dans l’espace rural dont les métropoles régionales seront souvent très éloignées et les intercommunalités –même à 20000 habitants- insuffisamment fortes.

Évaporation, c’est le mot qu’avait employé M. Balladur pour évoquer l’avenir des communes. C’est aussi ce à quoi les destine l’actuel projet. C’est inacceptable !

Inacceptable parce que la commune est le socle de la démocratie et de la République. Ce n’est pas un hasard si le Maire reste l’élu -quasiment le seul- qui inspire encore confiance et respect aux citoyens.

Or, le projet annoncé est celui de la dilution des communes. Cela se traduit par une série de mesures en direction de l’intercommunalité : transfert massif de compétences, suppression de la définition de l’intérêt communautaire par les communes, extension à 20000 habitants du seuil minimum, élection au suffrage universel des intercommunalités les transformant ainsi en collectivités territoriales, ce qui aggraverait l’empilement des structures et obligerait à une révision constitutionnelle.

Nous sommes convaincus de la nécessité de la coopération intercommunale, mais elle doit être un outil au service des communes et non l’instrument de leur extinction. La commune doit rester l’échelon de proximité, de solidarité et de citoyenneté.

De plus, le projet de loi ajoute de nombreuses contraintes : nouvelles tutelles, obligations administratives multipliées, normes accumulées…

Une réorganisation territoriale est sans doute nécessaire, mais elle doit avoir pour objectifs une démocratie de proximité  renforcée ; une clarification de l’organisation des compétences et des moyens et s’accompagner d’une réforme de l’Etat, d’un Etat fort garant de l’unité du territoire, du respect des libertés locales et de la solidarité nationale.

Rappelons enfin que cette réforme  –pourquoi faut-il que ce mot s’écrive de plus en plus souvent comme « régression » ?- va se télescoper avec un étouffement financier programmé, représentant entre 2014 et 2017  une ponction cumulée de 28 milliards d’€, auxquels il faudra ajouter l’érosion due à l’inflation et les inévitables contraintes nouvelles.

Les conséquences sont prévisibles, elles risquent d’aggraver la situation du Pays par la baisse massive des investissements et l’affaiblissement des services publics locaux alors qu’ils sont les derniers amortisseurs de la crise et de ses effets quotidiens pour la plupart des habitants.

La sagesse impose de réformer la réforme : les maîtres mots d’une éventuelle réussite sont liberté, dialogue et confiance, confiance dans l’intelligence des territoires, confiance dans la capacité des élus locaux à répondre aux grands défis que nous avons à relever.

 

André LAIGNEL

Maire d’Issoudun

Premier vice-président délégué de l’Association des Maires de France

Président du Comité des finances locales.