Ces trois régressions qui sont en marche

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues,

Chers amis,

 

Je voudrais d'abord vous dire mon plaisir de vous retrouver. Ce congrès est l'occasion, une fois par an, de revoir des visages amis, d'échanger, tout particulièrement quand l'année a été chargée, ce qui, me semble-t-il, a été le cas.

 

Nous avons dû faire face tout au long de l'année qui vient de s'écouler à des textes se multipliant, s'additionnant, parfois se télescopant, et les services de l'AMF ont dû être sur tous les fronts.

Je voudrais à ce moment de mon propos commencer par leur rendre hommage. Nous avons la chance d'avoir au siège de l'Association des maires de France des femmes et des hommes compétents, engagés, loyaux et je pense que c'est l'une des richesses de notre association que ces femmes et ces hommes qui, tout au long de l'année, sont à votre service. Je pense que nous pouvons collectivement les remercier en les applaudissant.

J'ai dit « une année chargée », elle est retracée dans le rapport écrit que chacun d’entre vous a reçu, je ne vais pas, vous vous en doutez, le paraphraser, je vous y renvoie donc. C'est d'ailleurs sur ce rapport écrit que vous devrez le moment venu, c'est-à-dire à partir de demain, voter quitus ou non à l'Association des maires de France dans son action pour toute l'année qui vient de s'écouler.

Mais, au-delà de ce qui est retracé, qui est important, il y a bien entendu un certain nombre de sujets d'actualité, qui requièrent notre attention et qui, pendant ces trois jours, vont être au cœur des débats que nous allons devoir mener ensemble.

L'année a été rude, je ne pense pas que l'expression soit exagérée, ce sont des réformes, je le disais tout à l’heure, qui se sont empilées, parfois télescopées, quelques-unes bricolées, d'autres brutales parfois.

Au total et malgré l’excellent travail accompli par l'Association des maires de France, je dirai que le compte n'y est pas. Nous avons évité le pire, mais nous sommes dans beaucoup de domaines loin de l'acceptable.

Nous assistons, me semble-t-il, à une triple régression : la régression de nos services publics, la régression de la décentralisation, et la régression de nos finances locales.

La régression des services publics : chacun d'entre vous sur le terrain peut en permanence la constater. Quatre lettres la symbolisent : RGPP.

Quel dommage que le « R » justement signifie Régression Générale des Politiques Publiques. Les premiers touchés sont souvent nos zones rurales ou nos quartiers en difficulté ; cela veut dire qu'alors on ajoute de l'injustice à l'inégalité.

Ce sont des DDE, DDA, regroupées, structurées, mais en définitive pour nous, c’est la quasi disparition de notre ingénierie publique.

C'est la santé : il ne se passe pas une semaine sans qu'on nous signale à Noyon, dans l’Oise, au Blanc, dans l’Indre, ou ailleurs des suppressions de service, voire des suppressions d’établissement. C'est la justice, ce sont les transports, la sécurité, bien sûr l'éducation.

L’éducation : 66 000 postes supprimés ces dernières années et on nous annonce 14 000 suppressions supplémentaires en 2012. On nous dit : « Ce n'est pas grave, il n'y aura pas de suppression de classe ». Dites-moi mes chers collègues, est-ce que vous êtes nombreux à penser que, avec 14 000 suppressions d'emploi, cela n'aura pas de retombées sur le terrain ? Moi, en tout cas, peut-être suis-je un pessimiste né, ou peut-être simplement ai-je oublié d’être naïf, je pense que 14 000 postes en moins, cela aura un impact, et un impact fort, dans chacun de nos départements.

Si je devais résumer la situation des services publics aujourd'hui, je citerais un vers de La Fontaine. Dans Les animaux malades de la peste, La Fontaine a écrit « ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Je crois malheureusement que c'est ce qui caractérise l'évolution de nos services sur le territoire.

Le deuxième sujet de régression est celui de la décentralisation. Nous allons fêter dans quelques semaines, début 2012, les 30 ans des lois fondatrices de la décentralisation dans notre pays, les grandes lois de 1982 et, pendant des années et des années, toutes les lois, qu'elles viennent de la gauche, qu'elles viennent de la droite, parfois nous les avons approuvées les uns ou les autres, parfois pas, mais toutes faisaient avancer la décentralisation. Cela a été vrai jusqu'à la loi du 16 décembre 2010 qui, malheureusement, n'est pas dans le prolongement de toutes les lois qui s’étaient succédé.

Je n’aurais pas la cruauté de citer M. ACCOYER, le président de l'Assemblée nationale, qui disait à propos de cette loi du 16 décembre 2010 : « Ce texte est devenu n'importe quoi ». Eh bien oui, contestée par les associations d’élus (les Maires ruraux, récemment, écrivaient que cette loi « met les collectivités sous la toise » ; je trouve l'expression jolie et malheureusement réaliste), mal votée de quelques voix au Sénat, cette loi entraîne – c’est ce que nous avons écrit dans notre résolution finale du Congrès 2010 – je cite « des régressions qui bouleversent et détériorent considérablement le paysage territorial ».

Trois sujets principaux de contestation, parmi beaucoup de mesures dont certaines utiles :

Le conseiller territorial, cet élu hybride aux deux visages, j’allais dire ce Janus du pauvre qui, en réalité, est à la fois source de confusion, source de recul de la parité, mais aussi cumul obligatoire.

Je citerai aussi la suppression de la clause générale de compétence. Je sais bien qu’on me dit que ce n'est pas tout de suite, que c'est au 1er janvier 2015. C'est vrai pour les départements et les régions. Cela aura forcément, mes chers collègues, un impact sur les financements que les technocrates appellent croisés et que, pour ma part, je préfère appeler « de solidarité ». Tout le monde aurait le droit de faire des tours de table, les banquiers les premiers, bien sûr, mais les élus ne pourraient pas se mettre avec les régions, les départements, l'État, pour demander simplement que l'on puisse, par une juste appréciation des choses, assembler les moyens pour faire face aux besoins de nos concitoyens.

Dites-moi mes chers collègues, si vous regardez sur les dernières années et, pour les plus anciens, sur les dix dernières années, si vous n'aviez pas eu des financements de solidarité, combien de vos projets essentiels auriez-vous dû abandonner ou différer ?

C’est donc un sujet fondamental et je considère que nous devons exiger une totale liberté des financements de solidarité.

Enfin, et je vais à présent tirer un peu plus, l'intercommunalité. Jacqueline GOURAULT a dit très justement les choses. Je voudrais pour ma part rappeler que, si nous sommes globalement d'accord pour que l’intercommunalité avance, que la couverture du territoire puisse se faire dans de bonnes conditions, je rappellerai d'ailleurs que 95 % des communes sont d'ores et déjà en intercommunalité, et nous n'avons pas eu besoin de l'épée préfectorale dans les reins pour avancer sur ce chemin de la mutualisation et de l’intercommunalité. Nous avons su le faire dans la liberté et dans la responsabilité, ce sont cette liberté et cette responsabilité que je réclame aussi pour l'avenir.

Pouvoir exorbitant des préfets : il leur suffit d'un tiers en commission départementale de coopération alors que les élus, s’ils veulent bouger quelque chose, il leur faut les deux tiers. Est-ce vraiment un signe de décentralisation ? Ce sont des délais contraints, des élus pressés, bousculés. On leur demande de choisir les périmètres, mais on met la charrue avant les bœufs, ne fallait-il pas d'abord penser au projet ? Ne fallait-il pas d’abord penser à la gouvernance ? Ne fallait-il pas d’aborder penser aux finances ? C'est-à-dire construire sur la base d'une volonté commune et partagée.

Non, on nous dit « d'abord le périmètre » et nous n'avons pas des études d'impact – ou imparfaites – dont nous avons besoin pour décider en toute connaissance de cause, librement. Vous allez décider mais vous ne savez pas quel sera l’impact des compétences qui vont être mutualisées ? Vous allez décider mais vous n’avez pas la totale visibilité sur les conditions financières ? Vous allez décider sans connaître pleinement quelle est la gouvernance pour l’avenir ?

Mes chers collègues, ce qu'on nous demande, si je reprenais un dicton berrichon, c'est d'acheter un lièvre en sac, ce n'est pas raisonnable.

Ce que nous voulons, ce que les élus veulent, ce que j'entends en permanence dans toutes mes rencontres avec chacune et chacun d’entre vous, ce sont deux choses simples : du temps et de la liberté.

Pas de renvoyer aux calendes grecques, non, quelques mois supplémentaires pour que l'on puisse approfondir chacune des propositions, chacun des dossiers et de la liberté, que ceux qui aient le dernier mot à la majorité simple, ce soient les élus. Oui, nous avons droit au dernier mot parce que nous sommes les élus du peuple.

On nous dit « dormez en paix, nous allons assouplir ». J'ai entendu le Premier ministre le dire, le ministre des Collectivités locales, même le Président : « Nous allons assouplir ».

Mais, mes chers collègues, si la loi n'est pas modifiée, Jacqueline GOURAULT l’a d’ailleurs très justement dit tout à l'heure, à partir du 1er janvier, les élus n'auront plus aucune capacité d'amendement des schémas. Donc, sans modification de la loi, la simple promesse aimable d'un assouplissement, je vous le dis très clairement comme je le pense, est une tentative d'enfumage. Ne nous laissons pas faire !

Il y a d'ailleurs une réponse simple, Jacqueline GOURAULT l’a aussi évoquée, c'est la proposition de loi qui a été votée à une très large majorité, qui transcende très largement la droite et la gauche au sein du Sénat, qui intègre les propositions que Jacques PELISSARD au nom de l’AMF avait faites et qui permet de résoudre à la fois le problème de majorité à l'intérieur des commissions départementales et celui des délai. Je le dis clairement : je souhaite que notre Congrès demande l'inscription rapide, et en tout cas avant le 31 décembre, de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale pour que nous puissions, sur la base d'un consensus dont je pense qu’il est possible, parvenir à donner satisfaction à l’ensemble des élus locaux à notre pays.

Troisième volet de mon propos sur les régressions : la régression financière.

Il y a beaucoup à dire, elle n'a pas commencé cette année, ni même hier, ni avant-hier. Rappelez-vous les propos que je tenais à cette même tribune en 2007, à l'époque c’était le plafonnement de la taxe professionnelle, j'avais dit, mes chers collègues, « la première année, ce n'est pas douloureux, mais méfiez-vous, cela évoluera et ce sera de plus en plus difficile ».

J'avais à l'époque employé une expression, qui a été beaucoup reprise depuis, j’avais parlé du supplice du garrot. Vous savez, cela se met autour du cou, au début ce n'est pas très grave mais, au fur et à mesure, cela se resserre et cela conduit à l’asphyxie. Malheureusement, aujourd'hui pour beaucoup de nos collectivités locales, l’asphyxie n’est pas loin. La dégradation s’accélère, elle se caractérise, et je cite là la Cour des Comptes, « par une chute significative et généralisée des investissements ».

En 2010, derniers chiffres connus bien sûr, les investissements des collectivités territoriales ont baissé de 8,3 %, moins 4,7 milliards. On dit « oui, mais en 2009, malgré le plan de relance, les investissements des collectivités locales avaient déjà baissé de 1,3 milliard ». En 2 ans, les investissements des collectivités territoriales ont baissé de 6 milliards d’euros. Imaginez les centaines de milliers d'heures de travail que représentent ces investissements qui n'ont pas pu être mis en œuvre. Imaginez les besoins qui n’ont pas pu être satisfaits. Nous assistons là, et l’expression est des Maires ruraux, je la trouve parlante, au « rabougrissement des moyens ». Et quand vous multipliez le rabougrissement des moyens et la pagaille des réformes, nous arrivons à ce que dit la Cour des Comptes, c'est-à-dire un contexte instable et imprévisible dans lequel nous sommes tous plongés.

La suppression de la TP : il paraît que M. BAROIN sera là demain, je me ferai un plaisir de lui rappeler ce qu’il disait, je dois à l’honnêteté de dire que c’étaient quelques semaines avant d'être ministre. Que disait M. BAROIN à propos de la suppression de la TP ? Il disait « L’État recentralise en supprimant la taxe professionnelle ». Oui, c'est le cas.

Cette suppression à quatre défauts principaux :

D’abord, c'est le transfert sur les ménages. Avant la réforme, les ménages finançaient 48 % de la fiscalité locale. Après la réforme, c’est 72 %. C'est la faible évolution, on ne sait pas encore comment évoluera cette fameuse CVAE, je ne sais pas si vous êtes capables de reconstituer des chiffres dans vos communes ou intercommunalités, ceux qui en sont capables, je leur demande de me donner la recette parce que, très honnêtement, je ne peux pas.

Mais la faible évolution c'est aussi le fait que, pour les deux tiers, voire les trois quarts pour certaines collectivités on a remplacé la taxe professionnelle par des impôts à taux fixe ou par des dotations, dont on nous a dit dans les deux cas qu'ils étaient gelés. Là où nous avions des ressources évolutives, qui tiraient notre capacité d’investissement, aujourd'hui nous avons à la place des dotations qui régressent, qui se rabougrissent, pour reprendre cette expression, d’année en année.

C'est aussi le creusement des inégalités. Les territoires les plus touchés par la suppression de la taxe professionnelle, ce sont les territoires industriels. Vous trouvez qu'ils n'en ont pas déjà suffisamment pris plein la tête ? Regardez ce qui s’est passé dans la sidérurgie, dans les mines, maintenant dans l'automobile et leurs sous-traitants, dans l'acier, vous voulez que je vous passe en revue tous les secteurs industriels gravement touchés ? Et les collectivités territoriales qui les supportent ? Cela veut dire quoi quand on dit que ceux qui perdent le plus ce sont les territoires industriels ? Cela veut dire que, bien souvent, ce sont aussi des villes ouvrières, des villes où les ressources sont en dessous de la moyenne.

Et puis, quatrième défaut, c'est le recul des libertés. Là je citerai, vous voyez que je suis éclectique, Jean-Pierre RAFFARIN, qui a simplement écrit « Quand l'État remplace une responsabilité fiscale par des dotations, il met la collectivité sous tutelle ». Eh bien oui, je partage le point de vue de Jean-Pierre RAFFARIN.

Quant à la loi de finances pour 2012, mes chers collègues, on nous dit « c’est le gel », grattons un peu : en réalité c'est une baisse des transferts financiers de l'État. 830 M€ de moins, sans compter le fonds de compensation de la TVA, puisqu'on anticipe une baisse des investissements de 540 millions. Sur cette enveloppe, il faudra de plus financer l’intercommunalité, comme l’a dit Jacqueline GOURAULT tout à l’heure, car rien n'est prévu pour financer son évolution ; ce sera pris dans l'enveloppe commune. Rien n'est précisé sur le recensement qui devra lui aussi, dans son évolution, être financé sur cette même enveloppe. Et puis l'inflation, sur 100 milliards de transferts financiers, 2 % d'inflation, c’est 2 milliards de perdus en termes de pouvoir d'achat pour l'ensemble de nos collectivités territoriales.

Cela veut dire quoi au total ? Cela veut dire, mes chers collègues, que pour 2012 la quasi-totalité des communes et intercommunalités verront diminuer en euro constant leur dotation.

À cela s’ajoutera une nouvelle baisse que j'appelle l'effet domino, baisse des aides régionales et départementales. Les régions qui n’ont plus de levier fiscal, qui ont peu de marge, bien entendu ont restreint leurs aides aux départements et aux communes. Les départements, qui ont vu les régions restreindre parfois leurs aides, sont eux confrontés à l'évolution des problèmes sociaux, des dépenses sociales et sont bien entendu eux aussi en difficulté financière.

Donc, au total, pour 2010, les régions ont baissé de 11,1 % leur subvention d'équipement et les départements les plus touchés par l'impact social, moins 14,3 %. Et si j'en crois ce que nous disent nos collègues présidents de région ou présidents de département, cela continuera en 2012 bien évidemment. Cela veut dire très simplement, mes chers collègues, que le garrot se resserre de tous les côtés.

Alors on nous dit « mais il y a la péréquation ». On nous l'a présentée comme un remède pour les plus pauvres.

Je reprendrai ce que viennent de me dire plusieurs associations réunies sur un même texte, l'Association des maires ruraux, l'Association des petites villes, l'Association des villes moyennes, qu’est-ce qu’elles ont déclaré ? Que cette réforme était ni juste, ni efficace.

Et en effet, quand on regarde les simulations qui sont sur le site de la DGCL, qu’est-ce qu’on découvre ? On découvre que des communes pauvres dans une intercommunalité riche vont payer alors que des communes riches dans une intercommunalité pauvre ne paieront pas.

On découvre que, sur les 250 villes les plus en difficulté, celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine ciblée sur les 250 les plus pauvres, 131 ne bénéficieront pas de la péréquation et, au contraire, pour un nombre important d'entre elles, se verront taxées.

Alors, je le dis très clairement, j'espère que les débats parlementaires - à l’Assemblée, c'est déjà fait, mais au Sénat en première lecture et ensuite en deuxième lecture à l’Assemblée – permettront de corriger ces défauts. Nous sommes tous pour la péréquation, mais pas la péréquation du pauvre au pauvre, pas la péréquation qui creuse les écarts. La péréquation qui rétablit de la justice, c’est celle-là que nous voulons et le texte qui nous est proposé va à l'encontre de ce but.

Bien sûr, le Premier ministre tout à l'heure va nous expliquer que nous devons participer à l’effort national. Est-il quelqu'un dans cette salle qui ne soit pas partisan de participer à l'effort national ? Mais le discours serait beaucoup mieux entendu si cette demande de participation à l'effort ne s'accompagnait pas de campagne de dénigrement à notre égard. Nous dépenserions trop, nous embaucherions trop, nous aurions trop de dettes, trop de déficits...

Alors je voudrais simplement rappeler quelques vérités.

Sur les dépenses des collectivités territoriales, je renvoie au rapport de Gilles CARREZ, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale. Que dit Gilles dans son rapport présenté l'an dernier ? C’est que depuis 1995 jusqu'à 2010 les dépenses des collectivités territoriales sont stables par rapport au Produit intérieur brut.

En ce qui concerne le déficit, ce n'est pas à vous que je vais dire qu'on n'est pas en déficit, qu’on ne peut pas être en déficit. Alors, on nous dit que « oui, mais selon Maastricht, ce n'est pas le déficit au sens étroit du terme, ce sont les besoins de financement des collectivités ». Les besoins de financement des collectivités, c’est l'excédent d'emprunt par rapport au remboursement d'emprunt. J'accepte, même si c'est, me semble-t-il, sujet à caution : ce n'est pas un déficit, c'est de l'emprunt pour investir.

Mais même si on prend ces chiffres, en 2010, quasiment 140 milliards de déficit de l’État ; besoin de financement des collectivités locales : 1,7 milliard. Quant à la dette, mes chers collègues, depuis 1995, là aussi c’est le rapport CARREZ,  jusqu'en 2010, proportionnellement au Produit intérieur brut, c’est-à-dire à la richesse du pays, la dette a baissé, elle est passée de 9 % en 1995 à 7,2 % en 2010.

Je rappellerai simplement : l'État, 1 600 milliards de dettes ; les collectivités : moins de 160 milliards ; moins de 10 % pour les Collectivités, 71 % des investissements publics réalisés par les mêmes collectivités, je crois que ces chiffres parlent d'eux-mêmes.

Alors oui, participer à l’effort, mais à hauteur de nos responsabilités dans les difficultés. En réalité, ce qu'on nous demande c'est de financer le surendettement de l'État. Cela me rappelle une bande dessinée, Le sapeur Camembert. C'était ce personnage qui creusait un trou pour remplir le trou d'à côté. Et bien nous avons le gouvernement du sapeur Camembert.

En mettant en panne l’investissement local, le gouvernement, me semble-t-il, se trompe et accroît la déprime et alimente le mal qu'il prétend combattre. Ce ne sont pas les communes qui menacent ce nouveau Veau d'Or qu'est le triple A, c'est, comme l’a rappelé Moody’s hier, le risque de récession dans notre pays.

Je voudrais m'adresser au Premier ministre, comme je ne peux pas le faire en sa présence, je suis sûr qu'on lui transmettra le message, en lui disant, avec tout le respect qui lui est dû : monsieur le Premier ministre, en limitant nos capacités d’initiative et d'innovation mais aussi nos réponses aux attentes sociales de nos concitoyens, c'est le pacte républicain qui est ébranlé. En nous présentant comme un fardeau, vous commettez un grave contresens, en réalité, nous le savons au quotidien dans notre action, nos communes et leurs élus sont une réponse aux difficultés actuelles, une véritable chance pour notre pays. En vérité, en affaiblissant gravement nos communes, piliers de la République, c’est la France qui se trouve fragilisée. Les maires n'attendent ni fausses promesses, ni flatterie et encore moins de leçons. Les maires attendent que le respect se substitue au dénigrement, que la méfiance fasse place à la confiance, que la critique cède le pas au dialogue mais, même cela, qui ne coûte rien, ce n'est pas fait. Nous savons tous que la France a besoin de trouver de nouvelles voies, de tracer de nouvelles perspectives innovantes, d'ouvrir de nouveaux horizons, les maires de France y travaillent. Ils sont un atout, ne les laissons pas sur le bord du chemin.

Au Président de la République qui recevra certains d'entre vous demain, je rappellerai simplement ce qu'il disait à cette même tribune : « On ne réforme pas la France contre les élus locaux ». Quel dommage que l’oubli. La feuille de route de l'AMF me paraît claire : reconquérir les moyens de notre action, mettre en œuvre une troisième étape de la décentralisation, qui donne tout son sens au principe constitutionnel de libre administration, proposer une réforme des financements des collectivités, véritable pacte de solidarité et de progrès avec l'État, alliant justice fiscale et territoriale.

L'AMF, passez-moi cette expression sportive, ne peut pas se contenter de jouer en défense, d'atténuer les mauvais coups, elle doit être à l'offensive, porter avec enthousiasme les projets et les ambitions des maires. Pour sortir de l’inquiétude, il nous faut regagner de la liberté, être en mouvement, construire l’avenir, répondre aux espérances.

Nous avons su préserver, c'’était notre mission à Jacques PELISSARD et à moi-même, l'unité de l’AMF. Ce fut, disons-le parce que c’est vrai, ces derniers temps, difficile. Si une véritable volonté d’action, une combativité retrouvée n'étaient pas au rendez-vous, alors beaucoup se poseront la question de notre utilité. Notre devoir, notre seule chance de l'avenir commun, c’est d'être, pour citer Victor HUGO « une force qui va », une force qui va au service de nos communes, une force qui va au service des Françaises et des Français, une force qui va au service de la République. Alors, ensemble, exigeons cette nouvelle étape de la décentralisation qui rapprochera les élus des citoyens, qui mobilisera nos collectivités locales, qui libèrera les énergies, qui donnera à la France un élan dont elle a à l'évidence le plus grand besoin.

A la veille d’échéances cruciales pour notre pays, je pense à une phrase de René CHAR, grand résistant, grand poète, qui a écrit : « Le réel quelquefois désaltère l'espérance ».

Alors, mes chers collègues, mes chers amis, allons de l'idéal au réel, répondons à l'espérance que les citoyens mettent encore en nous, en notre action, je crois que c'est notre devoir, il trace notre chemin.